L’improvisation est à la fois :
– Invitation à l’expression intime et authentique de soi : elle est un chemin courageux, riche de découvertes parfois d’autant plus émouvantes qu’inattendues.
– Invitation à l’aventure de l’inconnu : elle aide à sortir des sentiers battus pour enrichir son expressivité.
Pour ces deux motifs, elle ne peut être que pure liberté : elle a besoin d’un cadre à la fois pour contenir l’appréhension et l’émotion, ainsi que pour prendre forme et se diversifier.
Dans l’improvisation, il s’agit d’être créateur – auteur, compositeur et interprète d’un éphémère plus ou moins « réussi ». Mais l’objectif premier n’est pas de réussir, au sens de « faire du beau son », de rechercher la noblesse et la perfection du « bel canto ». La gageure est d’offrir une expression de soi la plus juste possible, au plus près de ce qui nous habite et anime dans l’ici et maintenant de l’expérience, seul ou de concert avec ses partenaires.
Pour une personne qui n’a pas l’habitude de « donner de la voix » et qui se sent peu audacieuse, il s’agira d’abord d’oser. C’est à cela que servent les éléments structurants que sont les préparations corporelles, les jeux de sonorités, les marches rythmées et les percussions corporelles, ainsi que les propositions d’accordage rythmiques et harmoniques.
Rapidement, chacun repère ses « zones de confort » – ses habitudes rythmiques, mélodiques, syllabiques, sa ou ses couleurs vocales. Peu à peu, l’exploration guidée mène à une expression plus diversifiée de nos élans, sentiments et intentions – une expression faite d’un souffle nouveau.
Dans toutes les propositions, le corps a la part belle, à la fois parce qu’il nourrit et soutient la voix et parce que son geste parfois en prolonge ou en souligne le sens, que celui-ci soit exprimé en conscience ou sans intention précise.
Marc CHAGALL
Des correspondances apparaissent entre des qualités de mouvement du corps et des qualités de la voix, parlée ou chantée. Les nuances de phrasé ou d’intensité empruntées à la musique en témoignent, qui peuvent concerner les deux registres : accellerando, rallentando, forte, piano, point d’orgue (suspension), silence, legato, staccato, rubato…
Grâce au langage imaginaire que chacun invente dans l’instant, l’expression se passe de la structure d’une langue et du sens des mots pour être de fait plus personnelle. La poésie qui s’en dégage trouve sa source dans l’intime et la liberté de chacun.
Ce chemin de l’intime et de l’expressivité peut se parcourir seul, mais s’enrichit du partage, des voix, des courants qui traversent et influencent les uns et les autres : une appropriation de la matière originale des partenaires vient nourrir notre imaginaire et notre propre matière sonore.
L’écoute se précise aussi, dans la double posture d’émetteur et d’auditeur de la personne qui « vocalise » : c’est une conscience partagée de l’intention qui se tisse. Pour autant, les individualités ne se dissolvent pas, elles s’agrémentent de cette inspiration conjointe.
Chacun apporte sa pierre à l’édifice ; son oreille va d’un son à un autre, et sa voix est à la fois support et réponse à celle des autres – tantôt écho, tantôt prolongement, contraste, « doublure » ou variation.
BOURS E.
Le Sens du Son
2007, Fayard. Paris
CASTAREDE M.F.
La Voix et ses Sortilèges
1987, Les Belles Lettres, Paris
HOPPENOT D.
Le Violon Intérieur
1981, Van de Velde, Paris
REVIS J.
La voix et soi, Ce que notre voix dit de nous
2013, De Boeck-Solal, Paris